mardi 7 avril 2009

Parfois écrire devient une vraie obsession, qu'il est difficile de partager avec autrui de façon satisfaisante, puisque cela m'apparaît comme étant une expérience si intime, sur laquelle - ironiquement - je n'arrive jamais à apposer les mots qui conviennent. Pourtant j'écris (surtout?) dans un objectif d'extériorisation (je veux être "validée socialement", voyant l'art d'écrire comme un statut plus qu'un métier).

J'ai une vision très romantique de l'écrivain, que je considère secrètement comme étant un des éléments les plus raffinés, les plus brillants, les plus importants, même, d'une société. J'aspire ainsi de toutes mes forces à intégrer ce groupe sélect et supérieur, même si je me doute bien qu'il n'existe (en partie du moins) que dans ma tête. Je me dis parfois que je mourrais de chagrin si je n'arrivais pas "à mes fins" (comprendre ici: se faire publier, gagner des prix, surtout se faire lire) - impression alimentée par nombre d'écrivains qui aiment proclamer à qui veut l'entendre (et le plus sérieusement du monde) que "la littérature leur a sauvé la vie", qu' "écrire leur permet de ne pas sombrer", que c'est pour eux "aussi vital que de respirer", etc.

D'autres fois cependant ce discours me culpabilise et me pousse à me remettre en question ("Je n'écris pas tous les jours, est-ce vraiment normal?", "Aujourd'hui j'ai le sentiment que je pourrais ne plus jamais écrire et que je ne m'en porterais pas plus mal").

Je me sens également coupable de me regarder écrire et d'en ressentir une satisfaction égale et même supérieure à celle qui découle de l'écriture en soi (j'adore cette image de moi qui écris: "Regarde! J'ai écrit quatre pages aujourd'hui! Je suis tellement productive!"). C'est un sentiment que je soupçonne d'être totalement stérile, mais dont il est difficile de se départir.

***

Mon inconfort physique et social me pousse à écrire puisque c'est seulement dans cet espace - qui m'apparaît incroyablement vaste - que j'arrive à me déployer vraiment et à devenir précisément cette image que j'ai de moi-même.

5 commentaires:

Henri Letham a dit…

Heureusement que tu as introduit une précision au tout début sur le "nous" versus le "je". Comme ça, j'ai tout lu en remplaçant les "nous" par des "je"... et ce n'est que meilleur!

Valérie a dit…

Ah oui? Je me suis mise à douter du "nous" après avoir posté ce message... (qui est, dans le fond, un usage un peu inutile). Je vais voir ce que ça donne avec le je.

Valérie a dit…

C'est vrai! Ça marche bien mieux! Merci!

(Peut-être que j'ai évité le je parce que j'assume pas tant que ça tout ce que j'affirme dans ce post-là).

Anonyme a dit…

Belle réflexion, honnête que tu nous partages. On pourrait tenter de remplacer "l'acte d'écrire" par "l'art d'écrire" comme on dit l'art de vivre, ce qui donne à l'acte d'écrire ou de vivre une conscience autre.
Belle vision que celle du rôle social de l'écrivain. Écrire tous les jours n'est pas un pré-requis mais un exercice. De toutes façons, je suis certain que même si tu n'écris pas, tu y penses. Passer de l'idée au geste est un acte de liberté. Et puis, avoir l'écriture comme projet donne un lieu de réalisation à ce qui nous habite et permet de lutter contre le vide, l'absence et le sentiment de dérision ambiant. Avoir un projet, c'est se donner vie et droit de regard sur notre propre vie.

O.k., j'arrête là...très bon texte que le tien, qui nous mène à réfléchir avec toi etc...

merci et à bientôt

Bises

Jean-Marc

Joanie Corbin a dit…

Peut-être connais-tu déjà, mais je te suggère Être écrivain de Nathalie Heinich. C'est un essai que j'ai souvent consulté lors de mes études. On y parle entres autres de la construction de la figure de l'écrivain et de la fonction sociale et idéologique du "personnage".