mardi 7 octobre 2008

Les mouches

Vieux texte que j'ai réussi à terminer il y a quelques jours seulement. Il ressemble pas mal à Iris même si l'histoire n'est pas la même du tout (en fait j'ai intégré des éléments des Mouches à Iris). Au fond il ressemble pas mal à tout ce que j'ai toujours fait, mais je l'aime bien. J'espère que la revue littéraire du cégep va vouloir le publier (je pense que dans le cas contraire je me sentirais très humiliée)

Notre amour, comme un fruit qui se gâte, a commencé à noircir sur le comptoir.

Nous n’osions pas le jeter, nous n’osions pas y toucher.

L’odeur âpre de la pourriture s'est vite insinuée dans chaque recoin de notre petit trois-pièces, dans toutes les fibres de nos vêtementsm et jusque dans nos cheveux.

C’était une odeur terrible, vraiment, de quoi vous donner la migraine, de quoi vous faire vomir vos tripes et vous donner envie de mourir, et pourtant... pourtant ce n’était rien à côté des mouches.

Lorsqu’il m’arrivait d’être en proie à un élan de désespoir particulièrement virulent, je me disais alors qu’elles s’étaient installées chez nous de façon définitive: elles s’agglutinaient aux fenêtres, obstruaient la tuyauterie, tapissaient des grands pans de mur; on retrouvait ces foutues mouches partout, mortes noyées dans l’eau des chats, ou encore bien vivante entre nos draps.

Nous avions acheté toutes sortes de produits destinés à les éliminer – les commis de la quincaillerie du coin nous appelaient maintenant par notre prénom–, avions fait appel à un exterminateur, mais peine perdue: à la minute où on en tuait une, il me semblait qu'il y en avait deux qui apparaissaient.

*

Je rêvais souvent aux mouches.

Dans mes songes elles étaient aussi grosses que des chiens.

*

Je me souviens de ce matin où, prise d'un élan venu de je ne sais où, j'ai décidé de te concocter un gâteau au chocolat. Tu connais mes piètres talents de cuisinière et tu peux certainement t'imaginer tout le mal que je me suis donnée pour y arriver, mais tu as toujours raffolé du sucre et il est possible que je me sois imaginée que ce gâteau viendrait en quelque sorte sauver ce qui était, je le sais maintenant, déjà foutu.


Toute la journée je me suis acharnée à peser, mesurer, malaxer et, en sortant du four, au bout de plusieurs heures, un gâteau qui était en tout point semblable à l'image imprimée dans mon livre de recettes, j'ai lâché un cri de triomphe. Je me suis surprise à attendre ton retour, imaginant ta réaction, que j'espérais positive, si ce n'était enthousiaste.


À l'heure du souper, trop pressée pour attendre au dessert, j'ai soulevé le couvercle qui avait été mis là pour protéger mon chef-d'oeuvre.


On ne voyait même plus le glaçage tellement les mouches formaient une couche dense, épaisse, compacte.


Tu n'as jamais aimé me voir pleurer et j'ai dû mettre mon poing dans ma bouche pour ne pas que tu entendes percer à travers la porte de la salle de bain le bruit de mes sanglots.


Nous avons mangé nos pâtes devant la télé.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quelle histoire. J'aime vraiment beaucoup.

"dans toutes les fibres de nos vêtementsm et jusque dans nos cheveux."
Faute de frappe dans vêtementsm.

Texte fluide et passionnant.
Wow!