mardi 23 septembre 2008
Iris (3)
Les parents d’Iris pensent que c’est un crosseur. Ils n’aiment pas l’appartement, le trouvent trop cher.
A chaque visite qu’elle lui rend, la mère d’Iris fait un commentaire sur la vigne qui grimpe jusqu’aux fenêtres (Ç’a pas de bon sens, cette maudit plante-là te bouffe toute la lumière) ; fume beaucoup, sans demander à sa fille si cela la dérange ; échappe de la cendre entre les fibres grasses du tapis ; laisse des traces de rouge à lèvres sur les verres. Elle s’efforce de ne pas repousser les chats qui viennent frotter leur tête sur son mollet bronzé, mais Iris sait qu’elle les trouve laids.
La dernière fois qu’elles se sont vues, sa mère lui a dit, d’un air satisfait, qu’elle semblait avoir maigri.
Iris se souvient des séances de magasinages dans lesquelles sa mère l’entraînait lorsqu’elle était enfant. Elle se souvient des vendeuses, maquillées, obséquieuses. Elle admirait l’assurance de sa mère, cette façon qu’elle avait d’imposer son autorité auprès d’elles.
C’est plus tard qu’Iris a commencé à avoir honte de ses manteaux de fourrure, de son manque d’éducation.
samedi 20 septembre 2008
Iris (2)
Je ne suis déjà plus certaine que ce retour au blog est une bonne idée. Je me sens vulnérable.
Elle ferme toutes les fenêtres. Se sent fragile, a du mal à poser les gestes communs tant elle tremble. Verse trop de sucre dans la tasse de Sophie, qui grimace – elle aime son café amer.
Le silence entre elles est épais et il colle, on dirait de la mélasse. Elles voudraient toutes deux que Sophie s’en aille. Iris pense au fait que Sophie ne regarde jamais les autres dans les yeux, se demande si cela fait d’elle une mauvaise personne.
Sophie se plaint de son patron, de ses collègues, des clients. Déjà, le front marqué de bord en bord.
La première ride, à vingt-deux ans.
Cela faisait longtemps qu’elles ne s’étaient pas vues. C’est Sophie qui a repris contact. Iris sent sourdre la colère de son amie sous les mots. Elle a peur que Sophie crie, pire qu’elle pleure. Elle a envie de lui dire : Laisse tomber. Tout ça n’a rien à voir avec toi.
Sophie dit : On pourrait aller à la plage. Ses yeux se voilent.
Elles allaient souvent à la plage avant l’accident. Iris a perdu son maillot.
vendredi 5 septembre 2008
Iris (1)
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1. Avec le temps, l'esprit d'Iris a fini par former une pellicule entre elle et le monde extérieur. Ainsi filtrés, les couleurs lui semblent moins vives, les bruits plus feutrés. Il lui arrive d’avoir une discussion et de se demander quelques heures plus tard si cet échange a bien eu lieu, s’il n’est pas plutôt le fruit de son imagination.
Elle oublie souvent de nourrir les chats.
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Il paraît qu’avant l’accident c’était la plus belle fille en ville. Pareille comme sa mère à son âge, qui, à l’époque, gagnait tous les concours régionaux – Miss Repentigny, Miss Lanaudière catégorie teinture blonde, Miss Maillot de bain Rive-Nord. À cinquante ans, un cancer de la peau, une opération chirurgicale qui a mal tourné, et les lèvres cernées par des sillons verticaux – la ride du fumeur.
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Les voisins se plaignent parfois des odeurs.
Elle regarde les minuscules champignons pousser dans les coins, entre les dalles recouvrant le plancher des toilettes. Les objets disparaissent sous les couches de poussière accumulées; les mouches viennent mourir dans l’eau des chats qui, rebutés, préfèrent boire à même la cuvette de la salle de bain. Elle a peur du voyant rouge qui clignote parfois lorsqu'elle rentre chez elle. Efface les messages sans les avoir écoutés. Ses pensées se mêlent aux voix issues de la cour qui parlent d'elle en riant.
mercredi 3 septembre 2008
Réécriture
Première version:
Éclaire de l'intérieur
Les silences épais, denses comme des forêts
Avant qu'elles ne prennent en flammes
Éclaire entre les craques
Les mots les gestes, mouvements du coeur
Avant qu'il ne prenne peur.
Réécriture:
Lâches les noeuds les silences
éclaircis, éclairés en leur centre
debout ils tiennent encore tout seuls
mais laissent passer davantage, marqués déjà
Gorgés de lumière